Marseille bombardement Marseille bombardement
© Stefano Collavini

Marseille sous les bombes américaines

Le 27 mai 1944, au matin, l’attaque des bombardiers américains surprit tout le monde à Marseille. Quinze minutes d’horreur et 2’500 morts qui marqueront l’une des pages les plus sombres de l’histoire de la cité phocéenne. Témoignages inédits.

Ce matin du 27 mai 1944, un grand soleil illumine Marseille que de lourdes grèves paralysent depuis trois jours. On manifeste pour avoir du pain, pour ne plus avoir faim. Le journal collaborationniste Le Petit Marseillais rend compte des nombreux bombardements alliés qui se multiplient dans l’Hexagone. Malgré ses moyens, la propagande allemande peine à convaincre dans une ville au bord de l’insurrection. Depuis l’arrivée en 1943 de l’occupant allemand, se passe sous le manteau le journal des résistants communistes La Marseillaise, imprimé avec une petite rotative à main. On y espère régulièrement un grand débarquement en France; ces bombardements semblent préparer l’offensive terrestre.

Le documentaire sonore Les années sombres a été réalisé en 2004 pour commémorer les 60 ans du bombardement de Marseille. Trois épisodes de 20 minutes chacun pour un document historique à la narration proche d’un polar. Il entrecroise les histoires de sept témoins d’époque, habitants parmi d’autres d’une ville accablée par l’occupation allemande, puis écrasée par les bombes américaines et libérée par l’armée d’Afrique. En 2014, ce documentaire sonore était projeté au musée d’Histoire de Marseille en introduction à une riche exposition sur la libération de Marseille.

Ce samedi matin, les transports en commun ne fonctionnent pas et c’est à pied qu’Yvonne Marcelle Cadène, une jeune couturière de 20 ans, se rend à son travail. Plus de 60 ans plus tard, elle habite toujours dans son même quartier à l’est de Marseille et a gardé cet accent du Marseille populaire. Dans un pré, juste au-dessus de l’Estaque, quartier où les tabliers des pêcheurs sentent le poisson et les mains des ouvriers la graisse des machines, Lucien Bettini 15 ans, aujourd’hui membre de l’Amicale des vétérans du parti communiste français, aide un laitier à faucher l’herbe pour ses vaches. En ville, Josette Damonte, une étudiante en droit et en lettres de 19 ans, consulte des livres à la bibliothèque municipale. Cette dernière était située, à l’époque, non loin de la gare Saint-Charles dans les bâtiments de l’actuel conservatoire de musique.

9 h 50, l’alerte résonne partout dans la ville. Habitués, les gens ne s’inquiètent guère et ne gagnent les abris que très lentement aux injonctions des hommes casqués de la Défense passive, dédiée à la protection des populations civiles en temps de guerre. La bibliothèque ferme. Josette rejoint calmement un abri situé sur l’allée Léon Gambetta; de solides caves voûtées. «Je suis longtemps restée sur le pas de la porte puis, je suis descendue sur l’insistance de la Défense passive», se souvient-elle encore émue, plus de 60 ans plus tard dans son appartement bourgeois du centre-ville de Marseille. Son accent marseillais ne chante pas, il est contrôlé, légèrement atténué comme on s’efforce de le faire dans sa classe sociale. «Bien m’en a pris parce que ceux qui sont restés, ils sont tous morts.»

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