Mediator: falsifier l’histoire pour mieux façonner l’avenir (3/3)

© DR
Laboratoire (photo d'illustration).

Tout au long du scandale Mediator, certains acteurs ont imposé une version bien particulière d’une série d’événements clés qui se sont joués entre les années 1990 et aujourd’hui. Or ce récit est semé d’incohérences et d’inexactitudes. A qui le travestissement des faits a-t-il profité? Et quelles sont ses implications pour la sécurité des médicaments?

L’affaire Mediator, du nom de ce médicament commercialisé en 1976 par les Laboratoires Servier, numéro 2 de la pharma française, a été maintes fois racontée. En première ligne par la pneumologue Irène Frachon, figure désormais bien connue du public. Elle a notamment relaté son combat pour faire admettre la toxicité du benfluorex (principe actif du Mediator) dans un livre à charge, Mediator 150 mg. Combien de morts? paru en juin 2010. Irène Frachon a été soutenue dans ses dires par les témoins d’un scandale plus ancien, qui avait également impliqué des produits de Servier dans les années 1990, celui des fenfluramines. Le terme «fenfluramines» désigne deux principes actifs, la fenfluramine et la dexfenfluramine, commercialisées par Servier comme coupe-faim. La première l’a été dans les années 1960 sous le nom de Pondéral (Pondimin aux Etats-Unis), et la seconde dans les années 1990 sous le nom d’Isoméride (Redux aux Etats-Unis). Elles ont été retirées du marché en 1997, en raison de leur toxicité pulmonaire et cardiovasculaire. Comme le benfluorex, ces pilules amaigrissantes pouvaient provoquer de l’hypertension artérielle pulmonaire (HTAP), une maladie rare et grave, ainsi que des atteintes des valves cardiaques (valvulopathies).

Les témoins de cette première affaire qui ont refait parler d’eux dans le dossier Mediator sont notamment l’épidémiologiste Lucien Abenhaim, qui fut directeur général de la Santé entre 1999 et 2003, et Gérald Simonneau, spécialiste de l’HTAP, qu’Irène Frachon considère comme son «Maître». La couverture médiatique du scandale du Mediator a assuré une caisse de résonance extraordinaire au récit d’Irène Frachon et de ces experts. L’écrasante majorité des enquêtes et analyses publiées ou diffusées entre octobre 2010 et aujourd’hui s’est appuyée sur leurs témoignages. Schématiquement, cette narration a défini deux camps. D’un côté, celui des méthodes douteuses et de la dissimulation avec Servier dans le rôle du «méchant» qui savait que son médicament, officiellement indiqué comme adjuvant du diabète, était détourné comme coupe-faim et pouvait provoquer les mêmes effets secondaires graves que les flenfluramines. De l’autre, le camp de l’intégrité, incarné par des scientifiques soucieux d’alerter les autorités sanitaires et de protéger les patients, dont certains avaient déjà courageusement tenté d’affronter Servier et ses méthodes perfides lors de l’affaire des fenfluramines.

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