La musique ne sait pas se taire

© DR
Peinture murale représentant Victor Jara sur la maison qui porte son nom à Santiago du Chili. 

De 1976 à 1981, en pleine dictature Pinochet au Chili, une émission de radio reçoit chaque dimanche les artistes interdits par la junte militaire et passe leurs disques. Elle s'appelle Nuestro Canto, notre chant, celui des sans voix.

Délicatement, le disque se pose sur la platine. Le diamant rejoint le sillon. Le 1er mai 1976 dans le studio de Radio Chilena au centre de Santiago du Chili, mon oncle, Miguel Davagnino, attend le direct. Il sait qu’aucune radio nationale n’a diffusé ce disque depuis le coup d’Etat du 11 septembre 1973. Qu'il est sur la station la plus écoutée du Chili. Que les fonctionnaires de la DINACOS (Direction nationale des communications) sont à l’écoute. Il est l’heure. Play. Une explosion de flûtes de pan joyeuses et de tambours andins aux rythmes syncopés envahit les ondes. Des instruments du folklore chilien pourtant interdits par les militaires. Miguel souhaite la bienvenue aux auditeurs dans ce nouveau programme baptisé Nuestro Canto, notre chant, sans oser pour autant nommer le titre qui continue de passer en musique de fond. La DINACOS ne stoppe pas l'attentat sonore qu'il est train de commettre. A la fin de cette première, les téléphones crépitent. Au bout du fil, des Chiliens incrédules: «C’était Violeta Parra?»

Oui. C’était bien un morceau de la chanteuse rebelle et sympathisante communiste, inspiratrice de Joan Baez: Galambito Temucano (de galambo, une danse du nord du Chili et de Temucano, une ville du nord du pays). Chaque semaine cinq ans durant, cette ritournelle traditionnelle sans paroles lancera Nuestro Canto, un rendez-vous radiophonique qui se joue de la censure. Car si mon oncle diffuse de la musique folklorique aux thèmes apparemment aussi anodins que la vie champêtre, les animaux ou les vieilles légendes, leurs interprètes eux ont été mis au ban par le régime du général Augusto Pinochet. Un double langage auquel les Chiliens vont s'habituer au point que Nuestro Canto sera en tête des audiences tout le long de son existence. A chaque prise d’antenne, l'équipe joue pourtant avec le feu: diffusion d'artistes assassinés par le régime, interviews de musiciens en exil et organisation de concerts publics de chanteurs censurés, dans le but d'éclairer «la longue nuit», l'autre nom de la dictature militaire, et de redonner la parole à tous ceux qui sont restés sans voix après le brutal coup d'Etat.

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