L’appel à la prière islamique, provenant de deux haut-parleurs, se répand dans tout Thet Kal Pyin, un camp de réfugiés situé à moins de 100 kilomètres de la frontière entre la Birmanie et le Bangladesh. L’appel résonne dans plusieurs allées de bâtiments larges et bas aux toits bleus. Chaque structure rassemble plusieurs familles. Le camp, lui, abrite quelque 5’000 personnes. La plupart, pour ne pas dire toutes, appartiennent à l’ethnie des Rohingyas, une minorité musulmane persécutée. En réaction à l’appel à la prière, des hommes barbus chaussés de sandales se rassemblent au crépuscule. Ils entrent dans une chaumière qui fait office de mosquée. A l’entrée, ils se lavent les mains et retirent leurs chaussures. Puis, une fois la nuit tombée, ils s’accroupissent sur des tapis en osier pour prier.
Ce camp a été créé en 2012 à la suite d’émeutes mortelles qui se sont déroulées dans la ville portuaire de Sittwe. Ces violences sont le résultat de tensions de longue date, qui ont finalement atteint leur paroxysme, entre les Rohingyas et l’ethnie bouddhiste des Rakhines, une minorité ethnique présente en Birmanie, où les Birmans représentent le plus grand groupe ethnique. Ils sont toutefois majoritaires dans l’Etat de Rakhine, situé sur la côte ouest du pays, et beaucoup d’entre eux considèrent les Rohingyas comme des intrus. Selon des groupes de défense des droits de l’homme, le gouvernement birman refuse depuis des décennies d’accorder la citoyenneté à plus d’un million de Rohingyas, qu’il qualifie de «Bengalis», et a proposé des règles relatives à la citoyenneté qui, d’après ces groupes de défense, ont contraint les Rohingyas à quitter leur pays. Au cours des violences qui ont eu lieu en 2012, les Rohingyas ont souffert de manière démesurée et près de 140’000 d’entre eux ont ensuite été déplacés dans des camps – notamment celui de Thet Kal Pyin – qui encerclent désormais la banlieue rurale de Sittwe. Les Rohingyas faisaient également partie des milliers de réfugiés et apatrides qui ont tenté au printemps de rejoindre la Thaïlande, la Malaisie et l’Indonésie à bord de frêles embarcations dans l’espoir d’obtenir l’asile politique. Cependant, de nombreux Rohingyas déplacés sont restés en Birmanie et, pour ceux qui vivent dans des camps de réfugiés, les problèmes sanitaires sont particulièrement préoccupants. Comment peuvent-ils éviter d’être atteints du paludisme ou de la tuberculose, de souffrir de diarrhée ou d’autres infections qui sévissent au milieu des allées sales, des toilettes portables et des fossés d’évacuation propices aux invasions de moustiques? Et si une personne vient à contracter l’une de ces maladies, où peut-elle obtenir un traitement? «Nous avons surmonté de nombreuses difficultés durant le chaos qui régnait en 2012. Mais la question sanitaire est devenue notre principale préoccupation», m’explique Abdul Rahim, 43 ans, qui habite à Thet Kal Pyin.