L'humeur des Français sur écoute (2/5)

© Archives fédérales allemandes
Des soldats allemands en compagnie de femmes françaises à Pigalle en juin 1940.

Préserver le moral des troupes et de la population civile, tel est le but central de la surveillance accrue des communications durant les premiers temps de la guerre en France. Les humeurs des populations, civiles comme militaires, subissent alors les foudres de la censure. Tiré des Conversations secrètes sous l'occupation.

En situation de guerre les écoutes peuvent avoir des conséquences judiciaires dramatiques. Le gouvernement dispose d’un arsenal législatif redoutable, d’abord le décret-Loi du 26 septembre 1939 qui dissout le parti communiste et interdit toute propagande en sa faveur; celui du 20 janvier 1940 qui fait des «propos défaitistes» un délit d’opinion puni comme une forme de sabotage et enfin le décret Sérol du 9 avril 1940 qui punit de mort tout individu «coupable de trahison», étant considéré comme trahison «la participation à une entreprise de démoralisation de l’armée ou de la nation ayant pour but de nuire à la défense nationale.» Ce décret exceptionnel est envoyé dans les circonscriptions militaires complété par une circulaire de Daladier qui signe en tant que ministre de la Défense: «Ce nouveau texte légal atteint, en fait, tous les actes particulièrement graves de propagande, accomplis par des individus qui s’efforcent de ruiner le moral du pays et notamment par les agitateurs communistes ainsi que par leurs complices.»

La raison pour laquelle les communistes deviennent une cible privilégiée vient du pacte germano-soviétique d’août 1939. Jusque-là considérés comme antifascistes, ils passent depuis l’alliance Hitler Staline dans le camp ennemi. Une vague anticommuniste déferle, le gouvernement Daladier fait saisir l’Humanité et dissout le PCF le 26 septembre. Les militants sont soupçonnés de pacifisme, voire de défaitisme, de saboteurs de l’effort de guerre.

Nous savons que les écoutes se sont intéressées aux représentants de l’Allemagne et du Japon en France, aux milieux politico-journalistes, mais ce sont les milieux communistes et les syndicalistes qui bénéficient de toute l’attention des grandes oreilles. Un document manuscrit égaré dans un carton du service historique de la Défense (SHD) constitue un véritable annuaire des écoutes du Parti Communiste.

Une première page avec un en-tête «Inspection générale des services de police administrative» et une mention manuscrite «M. Berthelot, numéros de téléphone intéressant le PC.» suivent une dizaine de pages manuscrites de noms propres, d’entreprises toutes liées au Parti Communiste. Par exemple, Fédérations des Travailleurs d’Etat: Inv3632, Jeunesse Communiste: Bot.5220, H Langevin Gob.8064, Tillon Flo.1569, Waldeck Rocher Nanterre.1749, etc. Voilà bien le genre de documents révélateurs qui auraient dû être détruits. Les archives de l’époque paraissent d’ailleurs souvent épurées, dossier intitulé CT vide, pièces manquantes bien que citées dans un document précédent. Mais les censeurs sont moins consciencieux dans leur travail que l’historien et il y a de bonnes surprises.

Il est frappant de constater que l’extrême gauche est beaucoup plus surveillée que la 5e colonne nazie. Pourtant les militants, avertis, se méfient et la commission de contrôle postal de Blois ne peut que le constater en février 1940: «L’attention des membres de la Commission a été maintes fois attirée et orientée sur la surveillance de la propagande communiste. Des listes de nombreux suspects de communisme sont en notre possession; l’examen de leur courrier, attentivement fait, permet d’affirmer que la propagande par lettre est inexistante. Que sont les pensées intimes de ces gens? Mystère, car le silence total sur ces questions paraît être la règle.»

La suite de cette histoire est payante.

Abonnez-vous

Et profitez d'un accès illimité au site pour seulement 7.-/mois.

Je profite → Déjà abonné? Connectez-vous.

Achetez cet article

Nouveau: dès 0.50 CHF, payez votre histoire le prix que vous voulez!

Je me connecte → Paiement rapide et sécurisé avec Stripe