Onoda Japon Onoda Japon
Hiro Onoda dans son uniforme rapiécé, son sabre d’officier à la ceinture, se dirige ce 10 mars 1974 vers un hélicoptère qui doit le conduire de l'île de Lubang où il a passé les trente dernières années jusqu'à Manille.© Keystone / AP Photo

Au nom du Japon: un monde imaginaire (3/3)

Pendant 30 ans, Hiro Onoda a considéré les différents tracts et autres journaux qui lui ont été envoyés pour le convaincre de se rendre comme des faux messages des Services secrets japonais ou américains.

Un jour, dans une forêt épaisse non loin de l’endroit où Shimada a été tué, j’ai trouvé un drapeau japonais sur lequel étaient inscrits mon nom de famille et les prénoms de plusieurs de leurs membres. Il y avait «Yasu» et «Noriko», probablement en référence à Yasue, l’épouse de mon frère aîné, et un cousin appelé «Nori». Mais pourquoi le «e» final de Yasue avait-il été omis, et la syllabe «ko» ajoutée à Nori? J’en conclus que le drapeau devait être une contrefaçon. Nous ne croyions pas un instant que la guerre était terminée. Au contraire, nous attendions que l’armée japonaise débarque des troupes à Lubang ou, au moins, qu’elle envoie des agents secrets pour entrer en contact avec nous. En réfléchissant à ce drapeau avec les prénoms de mon cousin et de ma belle-sœur mal écrits, j’eus le sentiment qu’il essayait de me dire quelque chose. J’en vins finalement à la conclusion qu’il s’agissait d’un faux message du quartier général japonais. Mon raisonnement fut le suivant: supposons d’abord que l’armée japonaise envoie un espion pour établir le contact avec moi et que les Américains le découvrent. Ils en déduiraient certainement que les Japonais avaient l’intention de reprendre le contrôle de l’aérodrome de Lubang, seul à l’ouest de Manille, qui servirait de base évidente pour une attaque depuis la mer de Chine méridionale. Pour empêcher cela, les Américains enverraient des forces aéronavales à Manille, relâchant ainsi la pression sur les troupes japonaises situées en Nouvelle-Guinée, en Malaisie britannique et en Indochine française. Du point de vue japonais, il serait alors avisé de faire croire aux Américains qu’ils avaient un espion à Lubang. Donc ce drapeau, qui m’était prétendument destiné, était en fait censé tomber dans les mains ennemies. Maintenant, les Américains tentaient de l’utiliser pour nous attirer hors de notre repaire de Lubang. En prévision d’un tel scénario, les quartiers généraux japonais avaient pris la précaution d’écrire les prénoms de mon cousin et de ma belle-sœur de manière incorrecte. Comme c’était quelque chose que j’allais forcément remarquer, c’était une façon de me prévenir de la supercherie.

Aujourd’hui, tout cela me paraît ridicule, mais à Futamata on m’avait appris à toujours me méfier des faux messages, et mon attitude d’alors ne me semble pas exagérément prudente. D’ailleurs, j’aurais à l’époque considéré comme particulièrement insouciant de ne pas examiner de près chacun des caractères inscrits sur le drapeau. Je me souvenais toujours de la leçon apprise à Futamata au sujet du faux message qui avait facilité l’invasion de la France par les Allemands en 1940. En se préparant à attaquer, les Allemands ont laissé un espion allié «voler» un plan concernant une série de raids aériens visant Londres. Les Anglais tombèrent dans le piège, au point de rapatrier en toute hâte leur aviation et leur artillerie anti-aérienne déployée en Hollande. Les défenses de ce pays ainsi affaiblies, les Allemands se jetèrent dessus avant de s’emparer de la Belgique, puis d’attaquer la France par l’extrémité la plus faible de la ligne Maginot. Moins d’un mois plus tard, ils occupaient Paris. Me souvenant de cette histoire, il me semblait évident que le drapeau japonais faisait partie d’une tentative de pousser l’ennemi à éloigner ses troupes de Manille en lui faisant croire que Lubang était sur le point d’être reprise. J’étais excité à l’idée qu’une contre-attaque japonaise allait bientôt avoir lieu. Je n’étais pas le seul à tenir le drapeau pour un faux message. Kozuka était d’accord avec moi: il ne pouvait pas en être autrement. Je lui avais enseigné pas mal de choses au sujet de la guerre secrète, et il avait tout comme moi pris l’habitude de lire entre les lignes. A cette époque, il était capable d’égaler les diplômés de Futamata.

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