Quand le soleil est assez fort pour dissiper la brume qui entoure la cordillère de Talamanca, on peut voir la baie d’Almirante depuis la cour de la maison de Mariela. C’est dans cette baie que débarqua Christophe Colomb il y a cinq siècles, lors de son quatrième voyage; de retour en Espagne, il avait assez d’or pour alimenter toute la colonie de Panama. Les nuages paressent à plus basse altitude, entre les sommets des montagnes. En contrebas, la mer des Caraïbes scintille d’un turquoise éclatant. Je me tiens là en silence, dans la cour pleine de boue, en compagnie de Yitzel, une petite fille de neuf ans qui, discrètement, fait une pause dans ses tâches ménagères. Sa robe traditionnelle nagua de couleur bleu roi gonfle sous l’effet du vent, alors qu’elle sourit à la vue de l’océan – ou, plus probablement, de me voir couverte de boue jusqu’aux épaules. Nous venons de marcher huit heures à travers la dense forêt vierge, nous avons traversé deux rivières et plusieurs pâturages à vaches boueux. C’est la seule route terrestre existante: un étroit sentier qui relie la mer des Caraïbes à l’océan Pacifique. Les peuples indigènes du Panama l’empruntent depuis des siècles.
Pour préserver leur terre du béton, le peuple maya monte au front
© Emily Kinskey
Les montagnes de Talamanca.
Dans la cordillère de Talamanca, au Panama, la tribu des Ngäbé-Buglé s’oppose depuis 18 ans à la construction d’un barrage qui menace leur habitat.
Emily Kinskey