Pauvreté Suisse Michael Pauvreté Suisse Michael
Michael à la fenêtre de la Gassenküche, une cantine sociale du Petit-Bâle. © Charles Habib

Dérive et rédemption au pays des Läckerli (2/6)

Deuxième épisode de notre plongée dans la Suisse des clochards avec Michael qui a grandi dans un petit village picard entre un grand-père alcoolique, une grand-mère psychorigide et une mère schizophrène. Une relation toxique le précipite à 35 ans dans l'alcoolisme, une longue chute qu’il achèvera dans les rues de Bâle.

8 décembre 2018, une heure du matin. Je suis avec Michael dans son squat du moment, une petite cabane en bois sur Uferstrasse. Pas âme qui vive dans cette zone d’entrepôts et de terrains vagues au bord du Rhin à 200 mètres de la frontière allemande. Le vent s’est levé; il tombe une pluie verglaçante et le thermomètre indique -4°C. Accoudés derrière le comptoir ouvert sur l’extérieur de la Landestelle, une buvette estivale, nous regardons les lumières de la ville de Bâle en buvant des bières. Nous allons dormir dans un espace d’à peine 2 m2, sur une grille métallique sous le comptoir. Pour faire un peu de place, nous sortons les sacs-poubelle remplis de cannettes vides. Patatras! Rongés par les rats, tout leur contenu se répand par terre avec fracas. Jurant et zigzaguant dans le noir, nous tentons de récupérer ces saletés qui se cachent derrière les cailloux, roulent plus loin à chaque rafale de vent dans un bruit métallique qui perce le silence. Une fois la révolte des boîtes en fer blanc matée, rassemblées dans un coin, piétinées rageusement et recouvertes d’un vieux carton immonde, nous regagnons notre clapier, trempés et transis. Michael a de la peine à se rouler une cigarette tant ses doigts sont engourdis. Nous continuons à boire des bières en écoutant sur son portable une playlist de chansons françaises des années 80. Pour tenter de nous réchauffer, nous sautons sur place et gueulons en chœur avec Renaud et Lavilliers. La pluie tombe de plus en plus fort et s’infiltre maintenant dans notre refuge.

J’ai rencontré Michael, nom de rue Michel «à la französich» ou Eddy Merckx, c’est selon, en octobre 2018 à la Gassenküche, une cantine sociale du Petit-Bâle. Par une belle après-midi d’automne, j’attendais avec une trentaine de marginaux l’ouverture des portes, lorsqu’un type, la petite cinquantaine, affublé comme un coureur cycliste a déboulé. De taille moyenne, maigre, un visage en lame de couteau noirci par une barbe de trois jours et la peau mate, l’homme a cadenassé son vélo, enlevé son casque, salué l’un ou l’autre devant l’entrée avant de sortir son tabac à rouler. «Pourquoi ne vas-tu pas le trouver, il parle ta langue», m’a alors suggéré Benno en me poussant du coude. Michael a accepté que je photographie sa vie. Nous avons passé plusieurs semaines ensemble et sommes, depuis, devenus des amis proches.
– Bon, le magnétophone tourne, dis quelque chose de gentil.
– Non, je peux pas dire quelque chose de gentil, c'est pas possible!
– C'est pas toi?
– Non, vraiment pas. Quelque chose de gentil, Pffuit!
– Alors raconte la vie du SDF Michel.
– J'aime pas trop le mot SDF, je préfère encore clochard! SDF, je trouve ça un peu hypocrite, comme hôtesse de caisse au lieu de caissière. Un jour, on finira par nous appeler les pensionnaires de la rue! (sourire)
– OK, et si tu racontais l'histoire de Michael Lehmann?

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