Sur les traces de la «smoky town»

© Matthieu Chiara
Du sol fissuré s'échappent des flammes. Encres sur papier.

Depuis soixante ans, Centralia se consume. Dévorée par un feu de mine inextinguible, la «smoky town» a vu ses habitants partir. Certains sont restés, sûrs que le pire n'était pas à craindre et que l'abandon de Centralia devait plus à la richesse de son sous-sol qu'au danger...

«Vous cherchez Centralia? Votre GPS ne va pas vraiment vous aider...» Accoudé au comptoir du restaurant routier où il a son rond de serviette, Joël, tout en tatouages et en nuque longue, ménage ses effets. «Désolé, j'ai les oreilles qui traînent. Vous êtes pas d'ici, hein?» Sans attendre la réponse, le conducteur de semi-remorque écarte son assiette d'onion rings, sort un stylo de sa poche et saisit un dessous de verre. Tout en ébauchant un plan, il reprend: «La smoky town, c'est quelque chose! Ça fait longtemps que je n'y ai pas mis les pieds, mais vous allez voir... Voilà, une fois arrivés sur la 61, vous n'aurez plus qu'à vous laisser guider par la fumée.»

Sous-bock en main, nous reprenons la route au milieu des épicéas centenaires. Une heure d'amples virages plus tard, nous parvenons à destination. Nous sommes loin du paysage de fin du monde annoncé: ni feu, ni fumée, rien. Et surtout personne. N'eût été le panneau indiquant l'entrée de la ville, on jurerait traverser un champ, fendu par une longue langue d'asphalte. Freinés par le crépuscule, nous rebroussons chemin en direction de Mont Carmel. Là-bas vivent, paraît-il, une partie des anciens habitants de ce qui fut jadis une petite bourgade minière de 1'200 âmes, comme la Coal Region en abrite tant. Malgré l'heure tardive, le bal des pompiers bat encore son plein lorsque nous arrivons. Entre deux hot dogs, nous faisons la connaissance de Katherine et Joseph Lapotski, tous deux natifs de Centralia. Trop heureux de pouvoir parler de la ville qui l'a vu naître, Joseph se propose de jouer les guides l'espace d'une après-midi. «On en profitera pour vous raconter toute l'histoire», promet-il, manifestement impatient d'en dévoiler le contenu.

Le lendemain, alors que la voiture roule au pas au milieu des rues désertes, Katherine promène alentour un regard humide, imbibé de nostalgie. «Il y avait une banque ici. Et là, au coin de la rue, c'était le magasin de bonbons. La station essence n'était pas loin non plus si mes souvenirs sont exacts», désigne-t-elle tour à tour en pointant du doigt des bâtiments qui n'existent plus que dans sa mémoire. Habitations et commerces ont depuis longtemps déserté les bords de la route 61, au profit des herbes folles et des arbustes naissants. Seules quelques veines de bitume fissuré et de rares morceaux de trottoirs émergent encore de ce linceul végétal.

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