Une bise, un sourire, une main qui se lève. Des hommes circulent et se saluent en traversant la rue principale. «On l’appelle l’avenue du 18 Juillet», sourit Damian, 29 ans. En l'honneur de la date anniversaire de la signature de la première Constitution de l’Uruguay. De part et d’autre de cette longue allée de terre, les commerces ouvrent leurs portes: la rôtisserie, le salon de coiffure de Martin, l’épicerie d’Arturo et Antonio, la fameuse pâtisserie de Fabian… Tous s’apprêtent à entamer leur journée. Nous sommes au centre de détention de Punta de Rieles.
A une encablure de là, les pelles frappent sur le métal et le poste à souder fait des étincelles. Thermos sous le bras et maté à la main (infusion traditionnelle issue de la culture des Amérindiens guaranis), Julio déambule au milieu de ses ouvriers. Il fait froid en ce vendredi de juin, c’est l’hiver ici. Le vent glacé du sud pique les pommettes jusqu’à les faire rougir. Tous sont pourtant dehors et travaillent d’arrache-pied. Un camion vient enlever 2’000 parpaings commandés par une coopérative uruguayenne pour la construction d’un lotissement. C’est ici, dans le centre pénitentiaire de Punta de Rieles, que Julio a lancé son entreprise il y a déjà quatre ans. Le sourire accroché aux zygomatiques et une étincelle de fierté dans les yeux, il montre, triomphant, les coûteux équipements de sa fabrique de parpaings. Avant de couler son premier bloc de ciment, Julio ne connaissait rien à cette profession. Il venait de passer plus de dix ans en prison.