Manel Santiso, lauréat du Prix Sept du photojournalisme

© Manel Santiso
Vicky, membre des Patronas, veille sur des enfants honduriens devant le portrait de la fondatrice de l’association, Leonila. 

Pour sa troisième édition, le jury du Prix Sept du photojournalisme suisse 2023 a choisi de récompenser le travail de Manel Santiso parmi la dizaine de récits photographiques proposés à l’occasion de ce concours unique en Suisse.

Ce jeune photographe vaudois a convaincu le jury tant par l’audace de son sujet que par la qualité de ses images et son sens du détail. Intitulé «Les rêves voyagent aussi», son récit narre l’engagement de «Las Patronas» (les patronnes), ces mères de famille mexicaines qui, chaque jour depuis 1995, préparent des sacs de victuailles qu’elles lancent aux migrants d’Amérique centrale, perchés sur des trains lancés à pleine vitesse, qui tentent de rejoindre clandestinement les Etats-Unis. Le travail immersif, aussi touchant qu’informatif, de cet autodidacte d’à peine 22 ans correspond parfaitement au genre journalistique du reportage photographique tel que nous le pratiquons chez Sept.

Après un apprentissage dans la réalisation publicitaire, Manel Santiso, né à Lausanne en 2001, se consacre à sa passion, la photographie, quand ses parents lui offrent un appareil professionnel en 2019. Il commence par immortaliser des concerts et des festivals en Suisse. «Cela m’a permis de progresser rapidement en tant que photographe et de maîtriser ma caméra dans les moindres détails, notamment dans des situations qui nécessitent de vives réactions.» Accrédité comme photographe à l’occasion des Jeux olympiques de la Jeunesse à Lausanne en 2020, il rencontre plusieurs photojournalistes du monde entier, parmi lesquels un photographe/caméraman de la chaîne américaine CNN qui lui donne le goût du photojournalisme.

Chaque jour, 365 jours par année, elles sont là à se relayer pour défier La Bestia (la bête) qui file à toute vitesse en direction de l’Eldorado étasunien. Elles, ce sont une quinzaine de femmes de la localité de Guadalupe-La Patrona, dans la municipalité d'Amatlan de los Reyes. Depuis 1995, elles consacrent leur temps et leur énergie à nourrir et aider les migrants d’Amérique centrale qui voyagent, au péril de leur vie, sur le toit des monstres d’acier et de fureur connus aussi sous le nom de «trains de la mort». Elles ont pour prénoms Norma, Rosa, Bernarda ou encore Toña, mais tout le monde les connaît sous le pseudonyme de «Las Patronas» (les patronnes).

Matin après matin, elles cuisinent entre quinze et vingt kilos de tortillas, de riz, de haricots rouges qu’elles emballent dans des sacs avec du «bollino», une sorte de pain offert par le boulanger du village. Si La Bestia n’a pas d’horaires, c’est à l’ouïe que les Patronas reconnaissent le rugissement du train de marchandises. En quelques secondes, elles empoignent leurs brouettes débordant de colis-repas et foncent sur la petite route cabossée vers les rails. Pas une minute à perdre. Elles ont à peine le temps d’agiter les sacs de provisions et les bouteilles d’eau attachées entre elles que déjà les passagers de fortune, accrochés aux wagons, s’en saisissent dans un fracas infernal. Un manège dangereux tant pour les clandestins que pour les bénévoles.

Une fois la distribution sauvage effectuée tant bien que mal, les mères de famille regagnent leur quartier général: une ancienne fabrique d’huile transformée en cuisine et agrandie, grâce à des dons, pour héberger à court ou à long terme les migrants de passage. A leur tour, ces pauvres hères participent à la distribution quotidienne pour leurs frères d’infortune sur les trains et aux tâches ménagères. Certains travaillent même dans les champs de canne à sucre, abondante dans cette région, pour gagner un peu d’argent.

«Les huit premières années furent les plus compliquées, me confie Norma Romera Vázquez, à l’origine de cette initiative solidaire. A l'époque, il était interdit de venir en aide aux clandestins sous peine d’être emprisonnées. Et nous n'avions pas d'argent pour acheter suffisamment de nourriture.» Les temps ont changé. Depuis, les efforts et le dévouement de Norma et de ses consoeurs sont reconnus et honorés. En 2013, les Patronas ont reçu le Prix des droits de l'homme de la Commission nationale des droits de l'homme mexicaine et le Prix national du volontariat et de la solidarité du gouvernement mexicain. Elles ont également été nominées, après une campagne de soutien, au Prix Princesse des Asturies en 2015.

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