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Prière à l'extérieur de la mosquée des Cèdres dans le 13e arrondissement de Marseille, 2019. © Facebook

L'islam ou le trafic (2/2)

Dans les quartiers populaires de la cité phocéenne où règne le chômage, très peu d’options s’offrent à la jeunesse. Alors que beaucoup s’enrôlent dans le trafic de drogue, certains se réfugient dans l’islam. Pour d’autres, c’est les deux.

La spiritualité constitue un autre refuge. Et la spiritualité disponible dans les quartiers populaires est l’islam, puisque ce sont majoritairement les pauvres que l’on a entassés là après quelques générations d’exploitation au travail. J’appelle les jeunes qui ont opéré ce retour «djellabas-baskets». Un gymnase, celui du Canet, les «djellabas‑baskets» s’affrontent à six contre six sur un terrain de futsal. Ils jouent bien au ballon, comme souvent dans les quartiers populaires, font beaucoup de dribbles, fanfaronnent régulièrement et sont pour beaucoup barbus. Un match de prophètes. A la mi‑temps, on s’envoie un Capri‑Sun, on ne commence ou ne finit jamais une phrase sans un «Wallah» ou un «Inch Allah» avec des accumulations de «Mon frère» dans le plus pur accent marseillais des cités. Certains sont venus en scooter, en roue arrière, sans casque et la barbe au vent, dans un grand dérapage accueilli des rires débiles dont les grands ados ont eux seuls la recette. Ils parlent foot, imitent les Ronaldo et Messi, ricanent en discutant de la sex‑tape de Valbuena et pour certains fument des clopes, voire des joints. Quand ils vont se prendre un kebab sur la rue Félix‑Pyat, des plus vieux en djellabas arrondies par un embonpoint définitif leur parlent un mélange d’arabe, de français et de marseillais (dont la plupart des expressions sont provençales). Certains prennent de la bière, la plupart des boissons trop sucrées. Il n’y a pas de femmes ici. Ou rarement, de passage et pas forcément voilées. Après l’heure de la prière, la mosquée se vide comme le bar se remplit. Certains restent en terrasse et regardent passer les bagnoles comme s’ils en tenaient le décompte. Beaucoup parlent en se tenant par le bras. Devant la mosquée traînent les plus vieux, qui ne discutent qu’en arabe, ressassant de vieilles histoires, toujours les mêmes. Ils se plaignent, la salle de prière est vétuste, trop petite, pas du tout fonctionnelle… C’était il y a peu une salle de boxe. Le vendredi, parfois, certains prient dehors par manque de place. 

Le boulevard National est presque entièrement rénové. Rien de grandiose, mais c’est propre. Les commerces arabes le bordent, du halal et des semi‑grossistes de vêtements traditionnels. C’est là que les jeunes du futsal viennent acheter leurs djellabas. Pour les baskets, ils vont à Footlocker, dans le centre‑ville, et choisissent souvent les plus chères et les plus voyantes. Les ventrus des bars vont à Belsunce, un quartier où le commerce de contrefaçon est plus ou moins toléré par les autorités et dont de nombreux habitants de la ville profitent. Et dans tous ces quartiers, des mères, des grands frères, des éducateurs, des militants et même des flics s’interrogent. Mais que s’est‑il passé? Pourquoi cette soudaine poussée de djellabas et de la fièvre religieuse qui l’accompagne? D’ailleurs, est‑ce qu’elle l’accompagne vraiment toujours? On a ceux qui ont le bleu au front à force de prier, mais on a aussi ceux qui le soir, devant l’alimentation de quartier qui fait office de bar de nuit, prennent un joint dans une main et une bière dans l’autre jusqu’à une heure trop avancée pour qu’ils ne se lèvent assez tôt pour faire la première prière. Il est certain que tous ont une vie sociale active, guère différente de leurs amis et proches sans djellaba.

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