«Ce conflit est une guerre entre les Etats-Unis et la Russie» (2/2)

Ancien premier vice-procureur général d’Ukraine de 2010 à 2013, Renat Kuzmin estimait en 2015 déjà qu’un embrasement du continent européen était possible si la confrontation se poursuivait «entre la Russie et les Etats-Unis sur le territoire de l’Ukraine».

Renat Kuzmin Ukraine Renat Kuzmin Ukraine
Renat Kuzmin a été procureur général adjoint d'Ukraine de 2006 à 2010, puis premier vice-procureur général de 2010 à 2013, avant d'être poursuivi par le gouvernement ukrainien jusqu'en 2019, année où les charges qui pesaient contre lui ont été abandonnées. © DR

La corruption en Ukraine, Renat Kuzmin connaît par cœur. Cet homme de loi, docteur en droit, porteur de nombreuses distinctions, a œuvré pendant près de vingt-cinq ans dans les différents offices de procurature du pays d’Europe de l’Est. Il en a gravi les échelons jusqu’à être nommé en 2010 premier vice-procureur général, fonction qu’il a exercé jusqu’à fin 2013. En cette qualité, il a initié plusieurs enquêtes anticorruption touchant à des personnalités politiques de premier plan: l’ancien président Leonid Koutchma (1994-2005); l’égérie de la «révolution orange» et ancien premier ministre d’Ukraine Loulia Timochenko; ou encore l’ancien ministre de l’Intérieur Louri Loutsenko (2005-2006 et 2007-2010), qui n’était autre que le conseiller du président Petro Porochenko et le chef de sa coalition politique, le Bloc Petro Porochenko. En 2015, Renat Kuzmin, alors âgé de 48 ans, vivait caché quelque part dans un pays de l’Est où sept.info l’a rencontré. Au secret. Car menacé de mort, sous le coup d’un mandat d’arrêt, l’homme demande de ne pas révéler le lieu de la rencontre ni aucun indice qui pourrait le trahir. 

A l’automne 2013, vous avez quitté la fonction de premier vice-procureur général d’Ukraine que vous occupiez depuis 2010. Pourquoi?
Le 4 octobre 2013, j’ai démissionné de la procurature pour me lancer en politique. D’abord, je voulais apporter ma pierre à l’édifice d’une véritable démocratie en Ukraine. J’ai donc décidé de me porter candidat à l’élection présidentielle qui devait avoir lieu au printemps 2014. Je suis entré en campagne dès l’automne 2013. Puis il y a eu les événements de Maïdan et le glissement vers une guerre locale au sud-est de l’Ukraine. J’ai tout de suite compris que ce conflit pouvait s’étendre à toute l’Ukraine, puis au continent européen, et marquer le début d’une troisième guerre mondiale. En tant qu’homme de loi, je ne pouvais pas avoir d’influence sur ce processus. C’est pourquoi j’ai décidé de me consacrer à la politique. Mon objectif est d’arrêter la guerre au sud-est de l’Ukraine et d’éviter l’embrasement général.

Une guerre mondiale, n’exagérez-vous pas un peu?
Bien sûr que non. Ce n’est déjà plus un conflit local. Il a dépassé les frontières de l’Ukraine. Beaucoup de monde veut voir venir une troisième guerre mondiale à partir de la Russie, mais personne n’imagine que l’Ukraine pourrait déclencher une opération qui mènerait tout droit à une guerre mondiale et peut-être à la fin de l’humanité. Il faut arrêter d’urgence ce processus. Pour cela, il est nécessaire que de véritables politiciens prennent rapidement des mesures concrètes.

Les autorités ukrainiennes répètent qu’il y a eu une agression russe contre laquelle elles doivent se défendre, avec l’aide des pays occidentaux et de l’Otan.
Il ne s’agit pas du tout de cela. Ce n’est pas l’Ukraine qui fait la guerre à la Russie. Le pouvoir n’est pas indépendant en Ukraine. La première vraie raison de cette guerre est d’ordre géopolitique. En réalité, le conflit ukrainien traduit une confrontation entre les Etats-Unis et la Russie.

S’agit-il de la confrontation entre un monde unipolaire, commandé par les Etats-Unis, et un monde multipolaire, dont le président russe se fait le porte-parole depuis plusieurs années?
Le monde unipolaire n’existe déjà plus. Face aux nouvelles puissances émergentes que sont la Chine, l’Inde et la Russie, les blocs politiques et les unions économiques se réajustent et les Etats-Unis perdent leur monopole. Cela provoque une tension des systèmes mondiaux qui se manifeste sur le territoire même de l’Ukraine.

Quel rôle joue la Russie dans la crise ukrainienne?
Elle joue un grand rôle, mais uniquement en conséquence de la guerre déclenchée par le gouvernement ukrainien. On accuse aujourd’hui la Russie de soutenir les activistes de l’Est de l’Ukraine, mais on oublie de rappeler que c’est le gouvernement ukrainien qui a commencé à tuer des gens dans cette région, qui a envoyé son aviation et ses blindés pour bombarder une population fortement liée au destin historique de la Russie. Pour vous donner une image, c’est comme si la presse du XIXe siècle avait dit que l’Empire russe envahissait la France en 1814, sans préciser que Napoléon Bonaparte avait mené la campagne de Russie en 1812. C’est pourtant comme cela que sont présentées les choses actuellement!

Mais la Russie a annexé la Crimée avant que le gouvernement ukrainien n’envoie ses troupes dans l’est de l’Ukraine. Cette implication russe n’est-elle pas la cause de la dégradation de la situation?
Non. Le référendum d’autodétermination, suivi du rattachement de la République autonome de Crimée à la Fédération de Russie, ainsi que les référendums d’autodétermination des républiques de Lougansk et de Donetsk, sont les répercussions d’une seule et même cause initiale.

Quelle est la cause du conflit ukrainien, selon vous?
C’est la violation de la Constitution de l’Ukraine lors du coup d’Etat du 22 février 2014.

Pour l’homme de loi expérimenté que vous êtes, il y a donc réellement eu un coup d’Etat, le 22 février 2014?
Comment voulez-vous l’appeler autrement? Comment la presse européenne appelle-t-elle cela? Je suppose qu’elle n’a pas parlé de coup anticonstitutionnel…

Au contraire, elle parle plutôt d’un «renversement du régime, par voie législative» ou elle emploie des expressions comme «changement de régime», «révolution de Maïdan», «révolution ukrainienne», «chute du régime»…
Du point de vue législatif, il est impossible de considérer le changement de régime de 2014 comme légal. La Constitution ukrainienne prévoit quatre cas de figure pour changer de président en exercice, d’une façon stricte et ordonnée [Cf. articles 108, 109, 110 et 111 de la Constitution ukrainienne, ndlr]. Ce n’est pas quelque chose que l’on puisse interpréter à sa guise. Ce qui s’est passé ne correspond à aucun des articles constitutionnels traitant de ces possibilités. Le Parlement a prétendu lui-même que le président Viktor Ianoukovitch avait renoncé à ses fonctions présidentielles. L’Union européenne a malheureusement soutenu ce changement de pouvoir illégal.

L’Union européenne n’essaie-t-elle pas de résoudre ce conflit ukrainien en s’impliquant dans les négociations de Genève et de Minsk? 
Toutes ces négociations se focalisent sur les conséquences, les actions en cours, mais non pas sur les causes de la guerre. Essayer de retirer les armées des deux côtés, envoyer des observateurs de l’OSCE (Organisation pour la sécurité et la coopération en Europe), déclarer des cessez-le-feu, cela ne mène à rien de concluant. Il n’y a qu’une seule façon de contrer le processus de guerre en cours: c’est reconnaître que la cause de la guerre réside dans la violation de la Constitution ukrainienne en février 2014.

Sinon? 
Il est probable que la guerre s’étendra à d’autres régions européennes. Malheureusement, tout indique que l’escalade continue.

Et comment envisageriez-vous de remédier à cette situation?
Tout ce qui se déroule actuellement en Ukraine se fait hors du cadre légal de la Constitution ukrainienne. Depuis le 22 février 2014, nous ne sommes plus dans un état de droit. Il faut ramener la situation à la normale dans un cadre légal.

Mais comment?
Pendant ma campagne présidentielle, j’ai proposé plusieurs projets pour une réconciliation nationale. La première partie de mon programme propose un mécanisme pour arrêter la guerre et revenir au cadre de la Constitution. La deuxième partie s’attache à proposer des réformes auprès des institutions de sécurité européennes. Car les normes du Conseil de sécurité des Nations Unies et de l’Organisation pour la sécurité et la coopération en Europe (OSCE) sont totalement obsolètes. Elles ne permettent plus de garantir la paix dans le monde.

Selon vous, la guerre en Ukraine aurait-elle pu être évitée grâce à de meilleures normes de sécurité européennes?
En effet. C’est la caducité des normes de sécurité européennes qui a permis les violations de la loi et la guerre. Et cette guerre menace très clairement la paix en Europe. Pour exclure la possibilité de situations analogues, il est nécessaire de réformer le système de sécurité européenne.

Renat Kuzmin Ukraine Renat Kuzmin Ukraine
Renat Kuzmin a été procureur général adjoint d'Ukraine de 2006 à 2010, puis premier vice-procureur général de 2010 à 2013, avant d'être poursuivi par le gouvernement ukrainien jusqu'en 2019, année où les charges qui pesaient contre lui ont été abandonnées. © Jean-Christophe Emmenegger

J'aimerais que vous expliquiez davantage la façon dont la situation s’enlise et s’aggrave. Comment jugez-vous la décision des autorités ukrainiennes de porter la guerre dans le Donbass, au sud-est de l’Ukraine, depuis avril 2014. N’était-il pas évident que la Russie allait réagir?
Les personnes au pouvoir avaient prévu d’entraîner l’Europe dans la guerre. C’est exactement ce qui s’est produit. L’Union européenne a soutenu le gouvernement ukrainien dans son agression contre le sud-est de l’Ukraine. Et maintenant, elle a du mal à l’avouer.

Que se passera-t-il si le gouvernement ukrainien poursuit sur sa lancée?
Les autorités ukrainiennes vont continuer de mentir à la communauté européenne sur leurs véritables intentions. Car elles ne sont clairement pas capables de résoudre ce conflit de manière indépendante et pacifique. Sachez que plus il y aura de pays européens qui se plieront à cette «politique», plus il y aura de problèmes sur le continent européen.

Quelles sortes de problèmes?
Que fera l’Union européenne si la guerre s’étend et que le flot de réfugiés ukrainiens qui s’écoule actuellement en direction de la Russie se dirigeait vers les pays voisins, Hongrie, Pologne, Tchéquie, etc.? Si le conflit s’étend, il y aura des déplacements de populations qui se chiffreront en millions de personnes. Un autre type de problème est de l’ordre du terrorisme sur le continent européen, comme ce qui s’est passé en Macédoine (début mai, un groupe terroriste piloté depuis le Kosovo voisin a attaqué un commissariat de police dans le nord de la Macédoine, faisant de nombreux morts et blessés, ndlr). C’est aussi une conséquence des failles de la sécurité européenne. Est-ce que l’Europe préfère s’entendre pour combattre l’Etat islamique, qui continue de s’étendre et l’atteindra bientôt? Ou préfère-t-elle continuer à se diviser en suivant une politique illégale et en soutenant un pouvoir corrompu en Ukraine? En clair: est-ce que les activistes de Donetsk sont plus dangereux pour l’Europe que les militants de l’Etat islamique?

Quel est l’intérêt du pouvoir en Ukraine à risquer de provoquer une guerre mondiale ou à déstabiliser gravement des situations régionales fragiles depuis la fin de l’URSS?
Ce sont des raisons secondaires, mais aggravantes du conflit ukrainien. Les autorités actuelles font tout simplement grand profit personnel de la guerre. De plus, la guerre a l’avantage de dissimuler le fait que le pouvoir actuel a mené le pays à la ruine. Les réformes économiques n’ont pas été menées à bien ou n’ont eu aucun succès. Quantité d’entreprises ont fermé. Le prix de certaines catégories de médicaments a augmenté de 300 à 500%. En conséquence, la population ukrainienne a réduit sa consommation de médicaments de 50%. Quant aux milliards de dollars de crédits distribués à l’Ukraine par le Fonds monétaire international (FMI), ils ne sont pas utilisés correctement. Une partie de ces fonds est volée par les autorités. Pendant ce temps, les bénéfices personnels du président Porochenko ont augmenté de 9 à 10 fois en 2014. Vous ne trouvez pas cela étrange? Mettez cette information en perspective avec l’appauvrissement de l’Ukraine…

Petro Porochenko a pourtant été présenté dans les médias occidentaux comme un président «acceptable», offrant le moins pire des scénarios.
Quand Petro Porochenko a remporté l’élection présidentielle en mai 2014, il a promis d’arrêter en quelques jours la guerre naissante dans le Donbass. Il a aussi promis de mettre un terme à son business d’oligarque. Mais il s’avère que M. Porochenko ne veut pas la paix en Ukraine. Ses déclarations ne correspondent pas à ses véritables motivations. Il a intensifié son business grâce aux opportunités qu’offre la guerre.

Comment expliquer que Petro Porochenko est reçu comme le sauveur de l’Ukraine par les chancelleries européennes?
Cela signifie que les fonctionnaires et chefs d’Etat européens ferment les yeux sur ses activités et ses véritables motivations.

Pouvez-vous donner un exemple d’enrichissement personnel de Petro Porochenko dans le contexte d’appauvrissement actuel de l’Ukraine?
Il y en a un que personne ne connaît en Europe. Savez-vous que Petro Porochenko détient l’entreprise de construction navale et d’armement «Leninskaya Kuznitsa» en Ukraine? Et que fait cette entreprise en ce moment? Elle produit des lance-grenades qui sont vendus à l’armée ukrainienne. Donc, plus la guerre durera, plus le président de l’Ukraine vendra de fournitures à l’armée ukrainienne, plus il s’enrichira personnellement. Il est absolument évident, aux yeux de n’importe quelle juridiction, qu’il s’agit d’un conflit d’intérêts (par le biais de cette entreprise, Petro Porochenko aurait également ordonné de faire construire une nouvelle flotte de 10 navires de guerre pour l’Ukraine d’ici à 2017, ndlr).

Par ailleurs, Petro Porochenko est le «roi du chocolat» et l'une de ses fabriques se trouve en Russie.
L’unité de confiserie Roshen implantée à Lipetsk, sur le territoire de la Fédération de Russie, amène des impôts à l’Etat russe. Cet argent sert donc en partie au budget de la Défense russe, qui l’investit dans son armée. N’est-ce pas étrange de payer pour l’armée de ses ennemis? Comment faut-il l’interpréter? C’est encore un indice que Petro Porochenko ne mène pas une véritable politique en faveur de l’Ukraine. Ses intérêts sont ailleurs. C’est comme si Winston Churchill avait été propriétaire d’une fabrique de chocolats à Berlin, payant donc des impôts pour la Wehrmacht, pendant qu’il livrait une guerre contre elle…

Et pourquoi la Russie ne ferme-t-elle pas la fabrique de Porochenko?
On n’égorge pas la poule aux œufs d’or. Pourquoi la Russie se priverait-elle d’un tel revenu?

Comment l’Ukraine va-t-elle se sortir de ce panier de crabes?
Elle ne va pas s’en sortir seule, puisque le problème de l’Ukraine est aussi européen. Comme je l’ai dit, il en va de la sécurité et de la paix sur tout le continent européen, y compris la Russie. Jusqu’à présent, l’Union européenne a soutenu le régime illégal en Ukraine. En revanche, au Yémen, où la situation est parfaitement identique, l’Union européenne et l’Occident ont réagi différemment: un président a été écarté de ses fonctions sous un motif anticonstitutionnel, et l’Occident s’est accordé pour le faire réhabiliter. Pourquoi la violation de la Constitution est-elle tolérée en Ukraine et non pas au Yémen? L’Union européenne a le devoir de clarifier et de clamer sa position: est-elle d’accord d’appliquer une politique de double standard? Est-ce qu’elle estime possible et légal d’écarter un président de manière anticonstitutionnelle et par la violence? Serait-il possible qu’un groupe d’activistes arrive dans votre gouvernement suisse et vire son président par la violence et les armes? Si oui, est-ce que ce groupe pourrait s’emparer du pouvoir et être reconnu par les autres pays? Est-ce qu’un autre groupe aurait alors le droit de revendiquer son désaccord, de s’autodéterminer et de faire sécession en faisant une république autonome d’une partie de la Suisse? Si vous ne répondez pas à ces questions, vous approuvez tacitement que cela soit possible, vous acceptez que ce genre de situations puisse se répéter, vous quittez le terrain de la loi et vous ouvrez la brèche dans le système de sécurité européen.

Concrètement, comment faire revenir un état de droit en Ukraine?
Il faut constituer un groupe de négociation international qui intègre des juristes, des spécialistes du droit constitutionnel capables d’identifier la cause du conflit – pour moi, la violation de la Constitution lors du coup d’Etat de février 2014. Ce groupe devra proclamer publiquement cette cause, puis créer un mécanisme pour y remédier. Pour y parvenir, j’estime que toutes les personnes au pouvoir doivent quitter leurs fonctions: le président, les députés parlementaires, les autorités régionales, y compris les représentants des républiques autonomes de Donetsk et Lougansk. Il faut faire réélire tous les pouvoirs, toutes les autorités, et réorganiser des référendums en Ukraine et en Crimée dans des conditions légales.

Pensez-vous réellement que cela soit possible?
Et pourquoi pas, si toutes les parties reconnaissent leurs torts respectifs. L’Union européenne doit reconnaître son erreur d’avoir soutenu un régime illégal ainsi que des sanctions inopérantes contre la Russie; les autorités ukrainiennes doivent reconnaître le coup d’Etat de février 2014 et faire cesser l’opération dite «antiterroriste» dans l’est de l’Ukraine; les activistes à Donetsk doivent aussi admettre qu’ils se sont autoproclamés en-dehors du cadre constitutionnel; et la Russie doit cesser dans le même temps son soutien à ces activistes. Bien sûr, à partir du moment où il y a eu des morts et du sang versé, ce n’est pas facile demander aux gens de revenir à la normale. Mais dans tous les cas, il faut décider: veut-on la guerre ou la paix? Je pense qu’une paix médiocre est préférable à une bonne guerre.

Pensez-vous qu’une Ukraine multilingue et multiculturelle soit désormais possible?
Le premier modèle viable que je propose à l’Ukraine est le modèle suisse. Votre pays arrive à fonctionner avec quatre langues depuis plusieurs siècles, il préserve sa neutralité qui lui permet d’éviter les alliances guerrières, et tout cela avec un potentiel économique bien moindre que l’Ukraine! Evidemment, il faudrait adapter ce modèle suisse à l’Ukraine. Nous n’aurions pas besoin d’autant de cantons: six régions suffiraient.

Le modèle suisse a aussi ses défauts. Par exemple, quel rôle joue la Suisse dans les affaires de corruption qui se déroulent en Ukraine?
Le rôle de la Suisse dans le business des oligarques ukrainiens est crucial. Ceux-ci utilisent la Suisse de trois façons. Premièrement, pour y placer leurs économies personnelles gagnées en Ukraine. Deuxièmement, pour y blanchir leurs avoirs criminels extraits d’Ukraine.Troisièmement, pour s’offrir un lieu de résidence sûr ainsi qu’à leurs familles et leurs proches. Sous chaque présidence ukrainienne, sans exception, tous les oligarques ont usé de ce schéma. La récente enquête des autorités suisses sur les activités de Nikolaï Martynenko en est un exemple.

Forcé de vous cacher tel un fugitif, comment envisagez-vous votre avenir?
Je ne pratique plus ma profession juridique ni ne l’enseigne plus, bien que je sois nommé professeur dans plusieurs universités ukrainiennes: je risquerais de m’y faire arrêter. J’étudie, je collecte du savoir, j’apprends à devenir un politicien, je fais du sport pour me maintenir en forme. Mon but est de ramener la paix en Ukraine et de rendre impossible tout conflit en Europe. J’espère pouvoir mener à bien cette politique dans mon pays.

Qu’attendez-vous des accords de Minsk?
Vous pouvez faire autant d’accords de Minsk ou de Genève que vous voulez, tant que la cause du conflit n’est pas identifiée et admise par toutes les parties, cela ne donnera aucun résultat. Et cette cause, c’est la violation de la Constitution de l’Ukraine lors du coup d’Etat armé du 22 février 2014.