Le 9 août 1877, l’explorateur britannique Henry Morton Stanley atteint le comptoir commercial de Boma, situé sur la rive droite du fleuve Congo dans la province du Bas-Congo. Il est le premier homme à traverser l’Afrique d’est en ouest, de Zanzibar à l’Atlantique. En plein centre de Boma, on peut aujourd’hui encore pénétrer dans le tronc d’un baobab vieux de 700 ans, dans lequel Stanley a passé plusieurs nuits. «Boma a une histoire cruelle, une histoire à donner la chair de poule, car ce n’est qu’un tissu d’horreurs, de souffrances, de deuils. La férocité de l’homme envers les autres hommes s’est manifestée ici, pendant plus de deux siècles, par l’impitoyable persécution que les Blancs y ont exercée contre les Noirs. Les Blancs achetaient les malheureux Noirs par milliers, les enchaînaient par douzaines, les parquaient dans les cales de leurs navires et les expédiaient au Brésil, aux Indes occidentales, dans l’Amérique septentrionale, d’où les infortunés esclaves ne revenaient jamais.» Quand Stanley écrit ces lignes extraites de Cinq années au Congo, Boma n’échange plus d’hommes contre des fusils, de l’eau-de-vie ou de la verroterie. L’esclavage est proscrit. Dans les huit usines que compte alors la ville et dans les cultures, les travaux forcés l’ont remplacé.
De 1886 à 1926, Boma est la capitale du Congo. La ville exporte de l’ivoire, du copal, du caoutchouc, du bois ou de l’huile de palme. Aujourd’hui, il reste de nombreuses traces de cette période de prospérité. Comme l’imposante poste construite en 1887 en face du port, ou le clocher de Notre-Dame de l’Assomption qui domine toujours le centre-ville et qui fut la première cathédrale du Congo. Inaugurée en 1890, tout de métal constituée, elle fut importée en pièces détachées depuis les ateliers de Namur. A proximité trône encore la colossale maison du gouverneur avec ses persiennes de bois datant de 1908. Le port de Boma tourne aujourd’hui au ralenti. Les transactions se font principalement à Matadi. A l’entrée du débarcadère, des commissionnaires attendent devant leurs véhicules, des Mercedes à 6’000 dollars qui affichent 200’000 kilomètres au compteur, ou, la meilleure affaire du moment, la Toyota IST, neuve pour 7’500 dollars. Les négociants parviennent à introduire trois ou quatre voitures par container. Les espaces vides sont comblés avec des télévisions, des frigos, des groupes électrogènes, des fers à repasser, des moteurs de congélateur, des climatiseurs, des plaques de réchauds, des enceintes de sono, des ordinateurs et des tronçonneuses. Le tout, bien entendu, de seconde main. Ce qui est exporté? Absolument rien. Si ce n’est la contrebande vers l’Angola, où le pouvoir d’achat est plus grand. On en revient avec du carburant, moins onéreux là-bas.