Danser huit secondes avec le diable

© Romain de l'Ecotais
Le but du bareback riding est de rester 8 secondes sur un cheval sans selle.

Yvan Jayne a traversé l’Atlantique afin de poursuivre son rêve: devenir cowboy de rodéo professionnel. Depuis, le gamin fluet et réservé, élevé par une mère seule au milieu des collines du sud de la France, est devenu l’un des meilleurs au monde.

La nuit a été courte pour Yvan et Tray, son frère d'armes texan. Hier, le pick-up a montré de sérieux signes de fatigue au niveau de Denver, et Castle Rock n’a été atteint qu’au lever du jour. Traînant ses éperons sur le circuit professionnel depuis 2009, le véhicule de Tray a eu le temps de s’abîmer. Il se repose depuis quelques heures chez Vogel Garage, dans la moiteur de l’été. En plus des drôles d’autocollants qui le décorent, l'engin possède un style particulier, avec sa cellule aménagée pour dormir et se laver. Le générateur brinquebalant, posé sur une grille rouillée à l’arrière, menace de tomber à tout moment. Mais «c’est le parfait outil de travail», affirme l'Américain avec fierté. Le garagiste, lui, a l’air un peu embarrassé. Il s’affaire, une casquette vintage pleine de cambouis posée sur son crâne ruisselant. Yvan en profite pour se laver les dents à l’arrière, puis charge des affaires dans sa Dodge noire.

Le verdict tombe: une semaine d’arrêt et 4'000 dollars pour réparer la courroie, entre autres. Les deux compères ne savent pas quand ils reviendront dans le coin pour récupérer le véhicule. «Les gens ne comprennent pas qu’on fait parfois trois villes, et donc trois rodéos et trois chevaux dans la même journée, précise Tray. Ma femme me demande constamment où je serai dans les jours qui viennent. Mais j’en sais rien moi!» Plus que ce souci d’ordre géographique, c’est le devis qui l'inquiète: «Il va falloir gagner demain à Greeley (Colorado) si on veut continuer à rouler.» Les éventuelles récompenses empochées lors de ce rodéo, dont le prize money pour le gagnant s'élève à 8’000 dollars, serviront plutôt à… rejoindre le suivant. Le jeune cowboy accuse un peu le coup. Il ne se mettra pas la pression. Selon lui, «c’est le meilleur moyen de se planter».

Dans la petite crêperie bretonne qu’a dégotée Yvan ce matin, les portions sont américaines. Cela n’empêche pas le Marseillais d’avaler deux immenses frenchs toasts briochés et une crêpe accompagnée de crème anglaise. Entre deux bouchées, il prend connaissance des chevaux qu’il montera prochainement. «Il y a de tout, du bon comme du mauvais», concède-t-il. En général, les cavaliers découvrent le nom des montures deux ou trois jours avant un rodéo. Ils analysent les statistiques du cheval, les notes qu’il a obtenues et quel cowboy l’a monté dernièrement. Mais aujourd’hui, pas besoin d’appeler qui que ce soit. Il connaît son cheval du soir. Il a monté Showbiz un mois auparavant, à Vernon dans le Texas, a obtenu un joli 80 sur 100. Le type de note encourageante qui peut rapporter gros. Showbiz appartient à Benny Butler, le plus grand éleveur des Etats-Unis. Tray aussi a pioché un bon numéro, mais les nombreux whiskys ingurgités hier soir et le Bloody Mary du jour ne vont pas l’aider. Ce fougueux Texan au sourire aussi blanc que ravageur paraît détaché et joueur. Un peu le cliché qu’on se fait du jeune cowboy: «branleur au cœur tendre», charmeur et bagarreur. Yvan le conseille comme il peut.

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