Sabrina De Sousa, la proie facile (2/2)

© Pierre Zagdoun

Une opération d’enlèvement par la CIA qui foire et voilà Sabrina De Sousa condamnée à quatre ans de prison en Italie. Deuxième partie de notre rencontre à Lisbonne avec une agente déchue. Une femme broyée par la machine qu’elle servait.

Au début, Sabrina De Sousa imaginait s’en sortir indemne. Comme elle était en train de faire du ski au moment de l’enlèvement d’Abou Omar, elle est convaincue que les Italiens ne remonteront pas jusqu’à elle. En 2004, sa mission en Italie achevée, elle rentre au QG de la CIA, à Langley, prête à repartir pour de nouvelles aventures. Mais un an plus tard, alors que l’enquête débute en Italie, la CIA interdit aux agents concernés de voyager. L’Agence sait que des mandats d’arrêt sont sur le point d’être délivrés. De Sousa est née et a grandi en Inde où une partie de sa famille vit toujours. Ses parents sont âgés, elle est inquiète pour leur santé. En septembre, n’étant pas encore dans le collimateur de la justice, l’Agence l’autorise à se rendre au chevet de son père, très gravement malade. A la condition de ne pas transiter par l’Europe.

Par la suite, Sabrina De Sousa comprend qu’elle risque d’être broyée par le formidable engrenage bureaucratique de l’Agence. Elle sait que rien n’arrêtera la justice italienne. Alors, dans l’ombre, elle prépare la contre-attaque. Elle peut compter sur deux alliés de taille: Michael Scheuer, fondateur de l’antenne de la CIA chargée de traquer Ben Laden, et Alfreda Bikowski, l’une de ses proches, responsable de certaines opérations d’enlèvement extrajudiciaires en tant que chef de la section globale Jihad de l’Agence. Mais Alfreda travaille encore pour l’Agence et ne peut intervenir que dans les coulisses. Contrairement à Michael Scheuer qui parle et donne une interview exclusive, le 4 juillet 2005, au quotidien italien La Repubblica. «Quand les responsables de la CIA ont lu l’interview, ils sont devenus livides, se souvient Sabrina De Sousa. Ils étaient furieux. Michael Scheuer a tout raconté, il a expliqué le rôle de chacun des responsables de l’Agence impliqués dans cette affaire. Et il a donné leurs noms». A la fin de l’article, Michael Scheuer conclut: «Vous pensez qu’on aurait créé un tel bordel avec les Italiens en enlevant quelqu’un sous leur nez en plein Milan? Les Américains font des choses stupides, mais pas stupides à ce point.» Vraiment? Si les responsables de la CIA étaient furieux, Sabrina De Sousa, elle, a dû bien rire sous cape. Avec le temps, l’interview apparaît comme un contre-feu allumé par un ami qui lui veut du bien. Comme à son habitude, Michael Scheuer balance, mais pas au hasard. Il lâche pêle-mêle les noms du directeur des opérations de la CIA, du directeur de l’Agence et de son bras droit, de la conseillère du président George W. Bush pour la sécurité nationale et de son plus proche lieutenant, et laisse planer le doute sur l’implication de Bush lui-même. 

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