Serial lover

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Elisabeth Moos alias June Osborn / Defred dans la série télévisée américaine La servante écarlate (The Handmaid's Tale, en anglais) adaptée du roman de science-fiction dystopique de la Canadienne Margaret Atwood.

Méprisées à leurs débuts, les séries télévisées sont désormais considérées avec le respect dû à la richesse de leurs contenus. Elles fournissent des clefs de compréhension du monde et réaffirment l'importance des valeurs démocratiques. La philosophe Sandra Laugier défend cette thèse dans son dernier essai.

Rappelez-vous: Hawaï police d'état, Colombo, Mannix, Starsky et Hutch… A la seule évocation de ces séries mythiques américaines – elles régnaient alors en maître sur ce que l'on n'appelait pas encore le «marché» – vous vous revoyez devant le poste de télévision familial, captivé-e par les aventures palpitantes de vos anciens héros. Ce temps-là, vous l'avez compris, est bel et bien fini. Nous avons changé de siècle tout comme les séries qui ont fini par muter. Elargissant leur focale, elles ont ouvert leurs portes à des minorités qu'on disait invisibles, offert une grille de lecture du monde qui n'a parfois rien à envier à celles des experts en tout genre. Elles nous ont enseigné une éthique du care, ce souci des autres. Nous les regardons, seuls ou en groupes. Le destin des innombrables personnages qui les composent nous émeut, nous souffrons avec eux, nous partageons aussi leurs moments de joie. Lorsqu'une saison s'achève, nous attendons leur retour avec impatience. C'est dire que les séries «se sont imposées dans nos vies ordinaires», comme l'écrit la philosophe Sandra Laugier, professeure à l'Université Paris 1 Panthéon Sorbonne qui, depuis longtemps, considère ces rendez-vous réguliers avec le sérieux qui s'impose. Fidèle à Ludwig Wittgenstein et Stanley Cavell, passionnée par les notions de perfectionnisme moral, de genre, de désobéissance civile ou encore de démocratie radicale, l'auteure est une guide indispensable dans le monde des séries. Sa connaissance en la matière n'a d'égale que sa passion de la faire partager.

Son dernier livre déconstruit savamment et de façon presque jubilatoire les préjugés sur les séries télévisées, genre longtemps considéré comme mineur parce qu'il avait élu domicile sur un écran de télévision et non sur celui d'une salle de cinéma. La maison comme lieu de visionnage et non la chaleur ouatée d'un lieu obscur jugé a priori plus noble: c'en était déjà trop pour certains qui ont préféré snober les séries. Jusqu'au jour où celles-ci sont devenues des «œuvres» drainant un public toujours plus nombreux d'aficionados. Sans doute parce que celles-ci ont beaucoup à dire sur ce que nous sommes, sur le monde tel qu'il est ou pourrait devenir si jamais nous persistions dans cette voie mortifère. Toutes ne sont certes pas de qualité égale. Mais il y a beaucoup à apprendre d'elles. Il faut entendre cette autre musique qu'elles entonnent, il faut apprécier les considérations plus humaines qu'elles délivrent entre les lignes. Dans cette jungle où seule compte la rentabilité économique, les séries réaffirment leur foi en l'humain. Une démarche quasiment révolutionnaire.

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