Israël – Tel Aviv plus exactement – incarne l’arrogance d’une communauté gay mondiale parvenue, qualifiée par l’universitaire américaine Jasbir K. Puar, dans un essai au vitriol, d’homonationaliste. Caractérisé par un engagement au côté de l’Occident contre le reste de la planète (principalement les mondes arabo-musulmans et africains), cet homonationalisme au nom de leurs «droits» fait basculer les gays vers la droite.
Leur ralliement a certes été facilité par la persistance d’homophobie souvent meurtrière en Afrique et au Moyen-Orient. Mais cette solidarité avec les LGBT persécutés de par le monde est pure façade, les gays étant peu sensibles au sort des opprimés. Pour le dire de façon plus courante, les gays sont devenus économiquement ultralibéraux, politiquement réactionnaires et idéologiquement islamophobes.
L’Occident les flatte, l’hypercapitalisme les enrichit, les «droits» les protègent: c’est le tiercé gagnant des gays CSP+ et ++ en 2017. Le pouvoir de la Gold renforce leur domination sur le monde. Jasbir K. Puar attribue ce changement de cap de la majorité de la communauté LGBT occidentale à son soutien aux ravageuses offensives américano-britanniques en Afghanistan et en Irak, dans la première partie des années 2000.
L’avilissement à caractère sadomasochiste des prisonniers irakiens d’Abou Ghraib par des soldats américains illustre pour Puar cette volonté de domination, y compris de façon sexuelle. L’Occident te fouette, t’encule, et puis t’impose sa norme. L’Arabe est baisable de force, comme dans l’enfer d’Abou Ghraib, ou de gré, à condition de se rallier au panache arc-en-ciel et de signer la charte des «valeurs» de l’Occident avant de pouvoir sortir sa queue.
Cet homonationalisme n’est qu’un avatar, parmi d’autres, de la lutte mondiale entre oppresseurs et opprimés. Comme autrefois le Juif dans une partie de l’Europe, l’Arabe fait figure de repoussoir, tandis qu’un vague concept de «démocratie sexuelle» renvoie les bouseux et les obscurantistes des pays du Sud à leurs supposées pulsions homophobes, contestées par de nombreux ethnologues, et à leurs législations arriérées, pourtant pour l’essentiel héritées de la colonisation.
Gloubi-boulga saumâtre, l’homonationalisme met dans le même sac les migrants, les sexistes et les homophobes dans une logique bloc contre bloc qu’on croyait révolue. Le chercheur Alexandre Jaunait s’inquiète de constater que la tolérance, d’ailleurs relative, à l’égard des homosexuels dans plusieurs pays européens, donne libre cours à une «collusion entre discours politique, opinions racistes et politiques identitaires».
Signe parmi d’autres de la confusion des esprits, aux Pays-Bas, Gert Hekma, spécialiste de l’histoire de la sexualité, chercheur à l’université d’Amsterdam et acteur historique de la cause LGBT, est l’un des porte-paroles de cet homonationalisme militant. Il s’en prend sans nuances aux Arabes et aux musulmans, qu’il charge de tous les maux de la terre.