Theo Padnos: des émirats islamiques en Occident (4/4)

© Andrea Modica / The New York Times Syndicate/ Redux
Portrait de Theo Padnos, journaliste américain.

Kidnappé en octobre 2012 par des hommes du Front Al-Nosra, la branche syrienne d’Al-Qaïda, Theo Padnos est libéré au bout de deux ans de captivité. Quatrième et dernière partie de son récit.

Les enfants participaient aux sessions de torture. Lorsqu’ils s’amusaient aux abords des prisons, je pouvais voir dépasser les fils rouges de leurs poches – probablement des ceintures d’explosifs –, et je les entendais chanter leur sempiternelle comptine: «Détruisons les juifs, mort à l’Amérique». Il serait faux de croire que seuls les Syriens éduquent leurs enfants de cette manière. Si les têtes pensantes du Front al-Nosra ont invité des Occidentaux à se joindre au djihad syrien, ce n’est pas parce qu’ils avaient besoin de davantage d’infanterie – ce n’est pas le cas –, c’est parce qu’ils veulent leur apprendre à poursuivre la lutte une fois rentrés chez eux, dans chaque quartier, chaque station de métro.

Il serait faux de croire que seuls les Syriens éduquent leurs enfants de cette manière. Si les têtes pensantes du Front al-Nosra ont invité des Occidentaux à se joindre au djihad syrien, ce n’est pas parce qu’ils avaient besoin de davantage d’infanterie – ce n’est pas le cas –, c’est parce qu’ils veulent leur apprendre à poursuivre la lutte une fois rentrés chez eux, dans chaque quartier, chaque station de métro. Et ils veulent que ces Occidentaux fassent de même avec leurs enfants de huit ans. «Avec le temps, disent-ils, les djihadistes façonneront ainsi de petits émirats islamiques au sein même des pays occidentaux, comme l’Etat islamique l’a fait en Syrie et en Irak. Ainsi, les musulmans occidentaux pourront enfin vivre dans la dignité, selon les véritables préceptes coraniques.»

Au cours de mes discussions avec les plus vieux combattants du Front al-Nosra, je suis parvenu à les obliger à se confronter à la violence démesurée que ce rêve impliquait. «Oui, peut-être n’as-tu pas tort», me répondaient-ils. «De toute façon, ce que nous voulons vraiment, c’est dégager Bachar. Avant tout, nous devons construire notre califat, ici-même. Du moment que l’Occident ne nous tue pas, nous ne vous tuerons pas.» «Mais votre califat aura-t-il des écoles?», leur demandais-je. «Des hôpitaux? Des routes?» «Oui, naturellement.» Mais aucun d’entre eux ne semblait vraiment s’intéresser à la reconstruction du pays, dont les villes sont détruites, kilomètre après kilomètre, à travers toute la Syrie. Aucun ne manifestait d’intérêt sincère dans le fait de recruter des enseignants ou des médecins. Non, ce qu’ils voulaient, c’était de nouvelles explosions, toujours plus grandes et plus spectaculaires, et une nouvelle escouade de Humvee, ou de n’importe quel autre véhicule blindé. Et les Humvee n’ont pas besoin de routes.

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