Hommage Calvi Hommage Calvi
Fabrizio Calvi, de son vrai nom Jean-Claude Zagdoun (3 octobre 2019). © DR

Fabrizio, tu vas nous manquer

Fabrizio Calvi, notre ami, notre auteur, notre frère, a choisi de nous quitter samedi 23 octobre 2021. Atteint d'une maladie incurable depuis de nombreux mois, Fabrizio est parti comme il a vécu. Droit dans ses bottes, courageusement, avec honneur. Notre hommage.

Cher Fabrizio, 

Lors de notre dernière rencontre vendredi 22 octobre 2021, chez toi, à Aubonne, tu m'as interdit de pleurer. «Ne sois pas triste», m'as-tu dit de ta voix fatiguée par cette satanée SLA (sclérose latérale amyotrophique) qui te collait au train depuis des mois. «J'ai eu une vie riche, utile. Et je choisis de partir, librement.»

Tu avais du mal à articuler, du mal à bouger. Ton corps te lâchait petit à petit et tu ne pouvais plus te déplacer seul. Mais ta tête était là. Et bien là. Tu avais décidé coûte que coûte de faire la nique à la maladie qui te rongeait depuis des mois. Tu savais qu'elle aurait ta peau. Tu ne voulais pas lui offrir ta liberté, cette liberté de ton et d'esprit qui a dicté tes choix depuis toujours. 

Couché sur ton lit, un sourire aux lèvres, tu as ajouté: «Merci pour tout. Merci pour Sept, pour votre confiance et n'oublie de saluer nos lecteurs en mon nom et de les remercier eux aussi.» Tu t'es même excusé de ne pas avoir pu terminer l'écriture d'un récit passionnant dont tu m'avais parlé quelques semaines auparavant. «Je ne pouvais plus. Plus de force.»

Alors oui, cher Fabrizio, je ne vais pas pleurer, pas maintenant, pas après que tu as décidé de nous quitter, te sachant condamné. Tu as fait preuve de courage, de détermination en décidant de garder la main sur ta propre fin. La même détermination à vrai dire dont tu as fait preuve ta vie durant, toi qui étais né en 1954 à Alexandrie avant de participer à la naissance en 1973 du quotidien Libération à Paris avec un certain Jean-Paul Sartre. 

Tu es devenu depuis un journaliste d'investigation spécialisé dans les affaires de criminalité organisée et les services secrets, à la fois écrivain, journaliste et cinéaste. Auteur d'une dizaine d'ouvrages et d'une vingtaine de films, tu as eu du succès. Tu aurais pu prendre la grosse tête. Ce n'était pas ton genre, toi qui as toujours gardé la passion de l'information et du dessous des cartes. 

«Sept, c'est comme Libération, me confiais-tu souvent lors de nos rencontres. Mais en beaucoup moins bordélique et en beaucoup plus visionnaire». C'est d'ailleurs ce qui t'avait plu chez nous, toi qui tournais des films et écrivais des livres d'investigation à succès. Tu aurais pu passer ton chemin. Tu aurais pu nous regarder de haut. Tu aurais pu te dire que ce média qui veut décrire le monde grâce à des récits bien ficelés était décidément très utopique. 

Tu ne nous as jamais lâché alors que d'autres, à peine la première tempête vaincue, avaient tourné casaque et cherché refuge sur la terre ferme. Merci également pour cela, pour ta fidélité sans limite et ton formidable soutien sans faille à notre projet rédactionnel qui n'allait pas de soi. Qui était même risqué puisqu'il n'avait que peu de chance de réussir selon les grands spécialistes de la branche. Il faut croire que tu avais plus de nez que ces doctes experts es-médias qui ont 100 fois annoncé notre fin. 

Et promis, comme je te l'ai dit ce vendredi 22 octobre, nous allons poursuivre le travail que nous avons initié ensemble quand tu as rejoint l'équipe de Sept en 2014. Durant des années, tu nous proposé des sujets inédits. Des sujets qui ont marqué notre histoire: Snowden avant Snowden, Le mystère Jimmy Hoffa, Le FBI contre Martin Luther King, L'homme plus dangereux du monde, La Suisse, nid d'espions, 11 septembre: les secrets du rapport sur les attentats... et tant d'autres (à retrouver sur notre site, dans Sept mook et dans les Cahiers de Sept). 

Fabrizio, tu vas nous manquer. Tu nous manques déjà. Nous ne te l'avons peut-être pas assez dit; nous t'aimions, nous t'aimons et nous t'aimerons toujours. Tu fais partie de celles et de ceux qui ont fait que Sept est là où il se trouve aujourd'hui. Grâce à toi, nous avons progressé. Tu nous as ouvert la voie de la littérature du réel, de ce roman vrai qui nous permet depuis tant d'années d'écrire des récits. Alors merci. 

Toute la rédaction de Sept présente ses plus sincères condoléances à ta famille, à ta femme Murielle, à tes enfants, ainsi qu'à tes proches et tes amis. Avec ton départ, nous perdons un grand monsieur du journalisme. Généreux, ouvert, humble, attentif aux autres. 

Bonne route à toi, l'ami! Et m... à la maladie et à la mort!

Patrick Vallélian

La suite de cette histoire est payante.

Abonnez-vous

Et profitez d'un accès illimité au site pour seulement 7.-/mois.

Je profite → Déjà abonné? Connectez-vous.

Achetez cet article

Nouveau: dès 0.50 CHF, payez votre histoire le prix que vous voulez!

Je me connecte → Paiement rapide et sécurisé avec Stripe